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Mécanismes neuronaux de la cognition spatiale

Notre recherche

Où sommes-nous ? Où voulons-nous aller et comment y arriver ? Notre groupe de recherche s’intéresse à la façon dont l’information spatiale est représentée dans le cerveau, mémorisée et utilisée pour naviguer efficacement. Comment les informations externes (du monde extérieur) et internes (liées à nos propres mouvements) se combinent pour générer une carte cognitive de notre environnement? Comment notre position et notre orientation sont-elles codées et constamment mises à jour pour naviguer dans cette carte ? Quelles sont le rôle des entrées synaptiques et des propriétés neuronales intrinsèques dans ce processus? Nous abordons ces questions au niveau comportemental, du réseau et cellulaire.

 

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Thèmes de recherche

Notre groupe de recherche s’intéresse à la navigation spatiale et à la mémoire spatiale. Nous utilisons les rongeurs comme modèle animal. Comme les humains, les rongeurs peuvent naviguer de façon fléxible dans leur environnement, en prenant des raccourcis ou en faisant des détours si nécessaire pour atteindre leur but. On pense que cette capacité repose sur une carte cognitive interne. L’activité des cellules principales dans la formation hippocampique est remarquablement modulée par la position et l’orientation des animaux dans leur environnement. Les cellules de lieu de l’hippocampe émettent des potentiels d’action lorsqu’un animal se trouve dans une position spécifique dans son environnement. Les cellules de grille dans le cortex entorhinal déchargent lorsque les animaux sont aux croisements d’une grille hexagonale couvrant tout l’environnement, enfin, les cellules d’orientation de la tête déchargent lorsque la tête de l’animal pointe vers une direction spécifique. Ensemble, ces cellules pourraient fournir un substrat neuronal pour former la carte cognitive.

Malgré des décennies de recherche, on ne sait pas exactement quelles informations sensorielles sont importantes pour activer les cellules de lieu et si tous les lieux sont codés avec la même résolution spatiale. Pour répondre à cette question, nous avons récemment mis au point des enregistrements extracellulaires à l’aide de sondes en silicium multi-branches (64 sites d’enregistrement) chez des souris tête fixée qui naviguent dans des environnements en réalité virtuelle (Bourboulou, Marti et al., 2019). La réalité virtuelle permet un bon contrôle des repères sensoriels dont dispose l’animal pour s’orienter dans son environnement tandis que les sondes en silicium multi-branches nous permettent d’enregistrer des centaines de cellules simultanément.

Toutes les cellules de l’hippocampe ne sont pas des cellules de lieu dans un environnement donné et la majorité d’entre elles sont en fait silencieuses. Comprendre les mécanismes intracellulaires à l’origine de l’activation spécifique des cellules de lieu  dans un environnement donné est fondamental pour comprendre comment des représentations internes spécifiques de l’espace sont formées et stockées dans la mémoire à long terme. Pour répondre à cette question, nous utilisons des enregistrements intracellulaires (patch-clamp) en configuration cellule entière in vivo chez des animaux naviguant dans des environnements réels et virtuels (Lee, Epsztein et Brecht 2009 ; Epsztein, Lee et al, 2010 ; Epsztein et al., 2011). Nous nous intéressons particulièrement à la façon dont les propriétés cellulaires intrinsèques déterminent l’implication des cellules individuelles dans le codage de l’information spatiale (Morgan et al., 2019).

L’ensemble de ces travaux pourrait nous aider à mieux comprendre la formation de la mémoire en général et les déficits d’orientation spatiale et de mémoire observés dans de nombreuses pathologies telles que l’épilepsie du lobe temporal, les déficits attentionnels ou la maladie d’Alzheimer.

Activité de différentes cellules de lieu pendant qu'un rat navigue dans un environnement linéaire. Le trajet de l'animal est représenté par une ligne grise. Différents champs de lieu correspondants à différentes cellules de lieu actives dans cet environnement sont illustrés par des disques colorés. (image R. Bourboulou)

Projets spécifiques

  • aInfluence des informations sensorielles externes (allothètiques) et internes (idiothétiques) sur la resolution du codage de l'information spatiale et de la mémoire
  • bContribution des cellules de grille au codage de la distance et à la mise à jour des cartes cognitives
  • cEnregistrements intracellulaires sur animal éveillé en comportement
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Influence des informations sensorielles externes (allothètiques) et internes (idiothétiques) sur la resolution du codage de l'information spatiale et de la mémoire

PI: Jérôme Epsztein & Julie Koenig avec Romain Bourboulou et Geoffrey Marti en collaboration avec l’équipe de Hervé Rouault

Chaque endroit dans un environnement est représenté par l’activité d’un ensemble de cellules de lieu, parmi une plus grande population de neurones silencieux. Cette représentation peut être plus ou moins précise en fonction de la taille de cet ensemble (une plus grande proportion de cellules de lieu étant associée à une résolution de codage spatial plus élevée, comme le nombre de pixels pour une image), de la taille de leur champ de lieu (la surface de l’environnement où elles déchargent correspondant à la taille des pixels) mais aussi de leur stabilité spatiale et temporelle. Les facteurs qui contrôlent la résolution du codage de l’information spatiale sont mal compris. Dans ce projet, nous abordons cette question en tirant parti des systèmes de réalité virtuelle récemment mis au point pour les rongeurs combinés à des enregistrements extracellulaires à haute densité (sondes en silicium). La réalité virtuelle nous permet de mieux contrôler les indices sensoriels que les animaux peuvent utiliser pour se localiser. Nos résultats récents (Bourboulou, Marti et al., 2019) montrent que la résolution du codage spatial peut être modulée localement dans un même environnement. Cette propriété pourrait faciliter la navigation dans des environnements à grande échelle et/ou complexes chez les rongeurs comme chez l’homme.

Vue du dessus et à la première personne d'un environnement virtuel (d'après Bourboulou, Marti et al., 2019)
Enregistrement extracellulaire dans la couche des cellules pyramidales de CA1 de l'hippocampe d'une souris pendant la navigation en réalité virtuelle à l'aide d'une sonde en silicium (8 branches, 64 canaux)
Exemple de décharge de deux cellules de lieu ayant une bonne (gauche) et une moins bonne (droite) résolution de codage spatial. Pour chaque cellule, gauche: position de l'animal lorsque la cellule emet des potentiels d'action essai par essai; droite, taux de déchrage moyen de la cellule en fonction de la position de l'animal dans l'environnement normalisé par le taux d'occupation de chaque position. La partie en gras de la courbe représente l'emplacement du champ de lieu. Stability: index de stabilité; SI : Information spatiale, Out/In : Rapport du taux de décharge moyen de la cellule en dehors de son champ de lieu sur le taux de décharge moyen dans le champ de lieu.
b

Contribution des cellules de grille au codage de la distance et à la mise à jour des cartes cognitives

PI: Julie Koenig avec Mathilde Nordlund

La navigation à l’aide d’une représentation interne de l’environnement ou carte cognitive nécessite des informations allothétiques sur l’agencement spatial des repères externes et des informations idiothétique (liées au mouvement de l’animal comme des informations vestibulaires, proprioceptives ou le flux optique). Chaque  cellule de grille du cortex entorhinal média (CEM) décharge lorsque un animal se trouve aux intersections d’un grille hexagonale qui couvre tout l’environnement . On pense que leur décharge dépend essentiellement des informations internes (idiothétiques)  afin de calculer les distances parcourues dans l’environnement. Cependant, ce point de vue a été remis en question par plusieurs études montrant que les cellules de grille sont très sensibles aux repères visuels externes. De plus, la population des cellules de grille pourrait être fonctionnellement plus hétérogène qu’on ne le pensait auparavant, car elle est comprend au moins deux populations de cellules de la couche 2 du CEM qui sont caractérisées par des propriétés morpho-fonctionnelles différentes : cellules étoilées et pyramidales.
Notre objectif général est de comprendre comment les cellules de grille codent la distance parcourue et comment elles réagissent aux changements locaux dans la disponibilité des repères environnementaux. Pour ce faire, nous profitons du développement récent des systèmes de réalité virtuelle pour rongeurs, un outil efficace pour modifier instantanément et de façon très contrôlée et fiable les environnements.

En haut : Exemples de décharge d'une cellule de lieu (à gauche) et d'une cellule de grille (à droite) enregistrées pendant qu'un animal cherchait de la nourriture au hasard dans une boîte carrée pendant 20 minutes. Pour chaque cellule : A gauche, le carré est la boîte, la trace grise représente la trajectoire de l'animal pendant la période d'enregistrement. Les points rouges représentent les positions occupées par l'animal lorsque la cellule émet un potentiel d'action. A droite: cartes de fréquence de décharge normalisées par le temps d'occupation. Code couleur: rouge = décharge maximale; bleu = décharge minimale. Les cellules de lieu ont généralement des champs de lieu uniques tandis que les cellules de grille ont des champs de lieu multiple situés aux sommets de triangles équilatéraux couvrant l'ensemble de l'environnement. Adapté de Koenig et al, 2011. En bas : différentes structures interconnectées jouant un rôle dans la cognition spatiale.
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Enregistrements intracellulaires sur animal éveillé en comportement

PI: Jérôme Epsztein with Peter Morgan and François-Xavier Michon

Les mécanismes intracellulaires responsables du recrutement d’une cellule donnée dans l’assemblée cellulaire codant un environnement (allocation mnésique) sont encore mal compris. Pourquoi certaines cellules sont-elles des cellules de lieu plutôt que des cellules silencieuses dans un environnement donné ? Ces cellules sont-elles sélectionnées au hasard ou selon des règles spécifiques ? Des expériences en tranches ont montré que la transformation des entrées synaptiques en sortie sous forme de potentiels d’action est non linéaire dans les cellules pyramidales CA1. Ce phénomène s’explique sans doute par la présence de canaux voltage dépendant dans leurs dendrites qui peuvent générer des potentiels d’action dendritiques locaux ou globaux. Nos enregistrements  en patch-clamp en configuration cellule entière des cellules pyramidales de CA1 de rats explorant librement un nouvel environnement ont indiqué la présence de potentiels en plateau (signature d’une forte électrogenèse dendritiques) et de décharges en bouffée de potentiels d’action (une signature d’excitabilité intrinsèque accrue) spécifiquement dans les cellules de lieu mais pas dans les cellules silencieuses (Epsztein et al., 2011). Sur la base de ces résultats, nous proposons que le niveau initial d’excitabilité intrinsèque des cellules pyramidales CA1 est central à la modulation spatiale de leur décharge et à leur recrutement dans l’assemblée cellulaire codant un nouvel environnement. Nous étudions actuellement le rôle de la plasticité à long terme de l’excitabilité intrinsèque (Morgan et al., 2019) dans la régulation de cette allocation mnésique.

 

A Vue du dessus du labyrinthe. La position de l'animal est repérée par des diodes. B. Trajectoire de l'animal dans l'environnement (ligne bleue) pendant la durée de l'enregistrement en intracellulaire d'une cellule pyramidale de la région CA1 de l'hippocampe. Les points rouges correspondent à la position de l'animal lors de la décharge d'un potentiel d'action par la cellule enregistrée. La plus grande partie des potentiels d'action sont émis lorsque l'animal se trouve dans l'angle inférieur droit du labyrinthe (zone grisée). C. Potentiel de membrane (trace noire en haut) et vitesse de l'animal (trace verte en bas) lorsque l'animal effectue trois tours dans le labyrinthe(trajet vert en B). A chaque fois que l'animal traverse la zone grisée (le champ spatial de cette cellule) ce neuron envoie des potentiels d'action à haute fréquence (barres verticales). Ce neurone est donc une cellule de lieu (codant pour le lieu indiqué en gris). D. Potentiel de membrane moyenné par tour de labyrinthe. On observe une dépolarisation franche au niveau du champ spatial mais pas ailleurs dans le labyrinthe. E. Fréquence de décharge de cette cellule moyennée par tour de labyrinthe. On observe une augmentation franche de la fréquence de décharge au niveau du champs spatial mais pas ailleurs dans le labyrinthe.

Collaborateurs

INMED:

Equipe Rouault

Equipe Robbe

Equipe Cossart

Equipe Crépel

Externes:

Dr. Judith Makara, Institute of Experimental Medicine of the Hungarian Academy of Sciences, Budapest, Hungary

Dr. Alex Roxin, Centre de Recerca Matemàtica, Barceona, Spain

Financements

ERC starting grant FP7


Amidex "Rising star grant"


ANR


Human Brain Project


CENTURI



Nos publications

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Alumni

  • Romain Bourboulou (étudiant en thèse 2015-2019, maintenant pot-doc Barry lab, UCL, Londres
  • François-Xavier-Michon (étudiant en thèse 2014-2018, maintenant post-doc Lacaille lab, Université de Montréal, Canada)
  • David Ouedraogo (étudiant en thèse 2009-2013, travaille chez Johnston & Johnston)
  • Geoffrey Marti (post-doctorant 2015-2019)
  • Peter Morgan (post-doctorant 2014-2019)
  • Caroline Filippi (ingénieure d'étude 2015-2019)