Thèmes de recherche détaillé
Être capable de se repérer dans des environnements familiers est essentiel dans notre vie quotidienne, et les altérations de cette fonction, observées dans plusieurs troubles psychiatriques et neurologiques sont particulièrement invalidantes. On pense que naviguer efficacement repose sur l’apprentissage par l’exploration d’une représentation interne de notre environnement aussi appelée carte cognitive. La formation hippocampique joue un rôle central dans ce processus et contribue également à la mémorisation des événements passés de notre vie quotidienne (mémoire épisodique).
L’activité des neurones de l’hippocampe, appelés « cellules de lieu » est spatialement modulée : dans des environnements riches en repères externes, les cellules de lieu augmentent leur activité dans des endroits spécifiques appelés « champs de lieu » par rapport à ces indices. On parle de codage de position. Cependant, lorsque les repères externes ne sont pas disponibles, les cellules de lieu peuvent s’appuyer sur des informations sensorielles liées au mouvement (telles que la proprioception, les informations vestibulaires) pour moduler leur activité en fonction de la distance parcourue dans des directions spécifiques ce qui permet une navigation basée sur l’intégration du chemin. On parle alors de codage de distance.
Contrairement au codage de position, le codage de distance de l’hippocampe est mal compris et peu étudier. Notre équipe a développé pour la première fois en France l’utilisation de la réalité virtuelle pour l’étude de la cognition spatiale chez le rongeur. Nous avons montré que les indices visuels externes influencent la résolution du codage de l’information spatiale (Bourboulou, Marti et al., 2019). Récemment nous avons pu isoler le codage de distance hippocampique en l’absence d’indices visuels locaux et montrer une contribution spécifique des cellules de grille du cortex entorhinal à ce codage (Nordlund et al., 2025).
Au niveau cellulaire notre équipe a participé au développement de techniques novatrices permettant d’enregistrer le potentiel de membrane des cellules de l’hippocampe lors de l’exploration d’environnement réels et virtuels (Lee et al., 2009; Epsztein et al., 2010). Ces approches ont permis de montrer un lien entre excitabilité intrinsèque cellulaire et codage de l’information spatiale (Epsztein et al., 2011; Morgan et al., 2019).
Nos projets actuels s’intéressent à l’étude du codage hippocampique au cours du développement (Valeeva et al., 2018) et dans des modèles animaux de troubles du neurodéveloppement associés à des encéphalopathies épileptiques (Milh et al., 2020; Biba et al., 2022) et des troubles du spectre autistique et aux mécanismes cellulaires impliqués.

Projets spécifiques
- aInfluence des informations sensorielles externes (allothètiques) et internes (idiothétiques) sur le codage de distance hippocampique
- bContribution des cellules de grille au codage de la distance et à la mise à jour des cartes cognitives
- cEnregistrements intracellulaires sur animal éveillé en comportement
Influence des informations sensorielles externes (allothètiques) et internes (idiothétiques) sur le codage de distance hippocampique
PI: Jérôme Epsztein & Julie Koenig avec Romain Bourboulou et Geoffrey Marti en collaboration avec l’équipe de Hervé Rouault
Chaque endroit dans un environnement est représenté par l’activité d’un ensemble de cellules de lieu, parmi une plus grande population de neurones silencieux. Cette représentation peut être plus ou moins précise en fonction de la taille de cet ensemble (une plus grande proportion de cellules de lieu étant associée à une résolution de codage spatial plus élevée, comme le nombre de pixels pour une image), de la taille de leur champ de lieu (la surface de l’environnement où elles déchargent correspondant à la taille des pixels) mais aussi de leur stabilité spatiale et temporelle. Les facteurs qui contrôlent la résolution du codage de l’information spatiale sont mal compris. Dans ce projet, nous abordons cette question en tirant parti des systèmes de réalité virtuelle récemment mis au point pour les rongeurs combinés à des enregistrements extracellulaires à haute densité (sondes en silicium). La réalité virtuelle nous permet de mieux contrôler les indices sensoriels que les animaux peuvent utiliser pour se localiser. Nos résultats récents (Bourboulou, Marti et al., 2019) montrent que la résolution du codage spatial peut être modulée localement dans un même environnement. Cette propriété pourrait faciliter la navigation dans des environnements à grande échelle et/ou complexes chez les rongeurs comme chez l’homme.



Contribution des cellules de grille au codage de la distance et à la mise à jour des cartes cognitives
PI: Julie Koenig avec Mathilde Nordlund
La navigation à l’aide d’une représentation interne de l’environnement ou carte cognitive nécessite des informations allothétiques sur l’agencement spatial des repères externes et des informations idiothétique (liées au mouvement de l’animal comme des informations vestibulaires, proprioceptives ou le flux optique). Chaque cellule de grille du cortex entorhinal média (CEM) décharge lorsque un animal se trouve aux intersections d’un grille hexagonale qui couvre tout l’environnement . On pense que leur décharge dépend essentiellement des informations internes (idiothétiques) afin de calculer les distances parcourues dans l’environnement. Cependant, ce point de vue a été remis en question par plusieurs études montrant que les cellules de grille sont très sensibles aux repères visuels externes. De plus, la population des cellules de grille pourrait être fonctionnellement plus hétérogène qu’on ne le pensait auparavant, car elle est comprend au moins deux populations de cellules de la couche 2 du CEM qui sont caractérisées par des propriétés morpho-fonctionnelles différentes : cellules étoilées et pyramidales.
Notre objectif général est de comprendre comment les cellules de grille codent la distance parcourue et comment elles réagissent aux changements locaux dans la disponibilité des repères environnementaux. Pour ce faire, nous profitons du développement récent des systèmes de réalité virtuelle pour rongeurs, un outil efficace pour modifier instantanément et de façon très contrôlée et fiable les environnements.

Enregistrements intracellulaires sur animal éveillé en comportement
PI: Jérôme Epsztein with Peter Morgan and François-Xavier Michon
Les mécanismes intracellulaires responsables du recrutement d’une cellule donnée dans l’assemblée cellulaire codant un environnement (allocation mnésique) sont encore mal compris. Pourquoi certaines cellules sont-elles des cellules de lieu plutôt que des cellules silencieuses dans un environnement donné ? Ces cellules sont-elles sélectionnées au hasard ou selon des règles spécifiques ? Des expériences en tranches ont montré que la transformation des entrées synaptiques en sortie sous forme de potentiels d’action est non linéaire dans les cellules pyramidales CA1. Ce phénomène s’explique sans doute par la présence de canaux voltage dépendant dans leurs dendrites qui peuvent générer des potentiels d’action dendritiques locaux ou globaux. Nos enregistrements en patch-clamp en configuration cellule entière des cellules pyramidales de CA1 de rats explorant librement un nouvel environnement ont indiqué la présence de potentiels en plateau (signature d’une forte électrogenèse dendritiques) et de décharges en bouffée de potentiels d’action (une signature d’excitabilité intrinsèque accrue) spécifiquement dans les cellules de lieu mais pas dans les cellules silencieuses (Epsztein et al., 2011). Sur la base de ces résultats, nous proposons que le niveau initial d’excitabilité intrinsèque des cellules pyramidales CA1 est central à la modulation spatiale de leur décharge et à leur recrutement dans l’assemblée cellulaire codant un nouvel environnement. Nous étudions actuellement le rôle de la plasticité à long terme de l’excitabilité intrinsèque (Morgan et al., 2019) dans la régulation de cette allocation mnésique.

Collaborateurs
INMED:
Externes:
Dr. Judith Makara, Institute of Experimental Medicine of the Hungarian Academy of Sciences, Budapest, Hungary
Dr. Alex Roxin, Centre de Recerca Matemàtica, Barceona, Spain