Étude du développement cortical à travers la caractérisation d’un modèle murin d’autisme et l’inférence des interactions cellulaires par séquençage en cellules uniques

Rémi MATHIEU

Equipe « Développement cortical »

 

Résumé

Le néocortex des mammifères est responsable du traitement des informations sensorielles, du contrôle des sorties motrices et des fonctions cognitives supérieures. Au cours du développement, sa formation résulte d’une succession d’étapes finement régulées comprenant la prolifération des progéniteurs néocorticaux, la migration neuronale et leur maturation. Des perturbations, même subtiles, affectant une ou plusieurs de ces étapes peuvent induire des maladies neurodéveloppementales telles que les troubles du spectre autistique ou la schizophrénie.

Le néocortex est une structure laminaire finement organisée en six couches. Il est peuplé d’une grande diversité de types cellulaires et, en particulier, deux principaux types de neurones : les neurones glutamatergiques excitateurs et les interneurones GABAergic inhibiteurs. Chaque sous-type de neurone a une position laminaire et une connectivité spécifique dans le réseau cortical.

Au cours de mon doctorat, j’ai étudié les phénotypes corticaux et comportementaux des souris déficientes pour le facteur de transcription NEUROD2, protéine que nous avons démontré comme étant associée à des troubles neuropsychiatriques chez l’humain. Nous avons découvert des variants perte-de-fonction associés à des troubles autistiques avec retard mental accompagnés parfois d’hyperactivité et/ou d’épilepsie. Chez la souris KO pour Neurod2, nous trouvons des déficits de migration, de positionnement final, de densité synaptique et d’excitabilité des neurones excitateurs dans le cortex, ainsi qu’une dérégulation de nombreux gènes associés aux troubles psychiatriques. Au niveau comportemental, les souris KO et hétérozygotes ont une mémoire sociale altérée, sont hyperactives et montrent une propension à l’épilepsie spontanée. Ces résultats démontrent le rôle crucial de Neurod2 dans le développement néocortical et l’influence causative de ses mutations pertes de fonction dans les troubles neurodéveloppementaux.

En corollaire de ce projet, j’ai également étudié la question fondamentale des mécanismes cellulaires et moléculaires par lesquels différents sous-types de neurones inhibiteurs sont préférentiellement recrutés par, 4 et interagissent avec, différents sous-types de neurones excitateurs dans le cortex cérébral. Pour cela, j’ai effectué des expériences de single-cell RNA seq et de single-nucleus RNA-seq sur cortex somatosensoriel de souris pendant la période critique d’invasion du cortex par les neurones inhibiteurs (P0, P2, P5, P8) et d’établissement de la connectivité synaptique corticale (P8, P16, P30). J’ai également intégré des données de scRNA-seq publiées pour compléter mon étude en ajoutant des âges plus précoces et plus tardifs, dans le but de couvrir l’intégralité du développement cortical. En utilisant des outils bioinformatiques avancés, j’ai identifié les principaux types neuronaux et analysé leur dynamique transcriptionnelle de E11.5 à l’âge adulte. Afin de déterminer quelles molécules de surface ou sécrétées pourraient être impliquées dans le regroupement préférentiel et à l’origine d’une connectivité spécifique entre sous-types d’inhibiteurs et d’excitateurs, j’ai construit un atlas ligand-récepteur entre ces types cellulaires. Cet atlas permet d’inférer des interactions spécifiques et communes qui pourraient gouverner la lamination et/ou la connectivité spécifique entre les différents sous-types de neurones corticaux. Enfin, nous démontrons la validité de notre atlas à travers un exemple, la cadhérine 13 (Cdh13). L’atlas identifie Cdh13 comme enrichie dans les neurones excitateurs et les interneurones parvalbumine profonds. Nos expériences fonctionnelles chez la souris indiquent qu’effectivement Cdh13 est nécessaire pour la connectivité entre ces 2 types cellulaires.

En résumé, nos données indiquent que mon atlas sera une ressource précieuse pour identifier et tester l’implication d’autres combinaisons de ligand-récepteur dans la mise en place des circuits corticaux.

Jury

Denis Jabaudon – Président, UNIGE – DNF, Genève
Sonia Garel – Examinatrice, Collègue de France, Paris
Frédéric Causeret – Rapporteur, Institut Imagine, Paris
Karine Loulier – Rapportrice, INM, Montpellier
Ludovc Telley – Invité, Unil – DNF, Lausanne
Alfonso Represa – Directeur de thèse, INMED, Marseille
Antoine de Chevigny – Co-directeur de thèse, INMED, Marseille

Mardi 4 octobre 2022 à 14h – Auditorium de l’Hexagone, Campus de Luminy

Partager l'article