Le 22 mars dernier, Rosa Cossart, Directrice de Recherches CNRS à l’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INSERM UMR901) sur le campus de Marseille Luminy, a présenté le nouveau laboratoire dédié à l’analyse fonctionnelle en imagerie et électrophysiologie des réseaux de neurones corticaux in vivo, en présence de Dominique Nobile, Délégué Régional INSERM et Armand de Boissière, secrétaire général de la Fondation Bettencourt.

Organisation fonctionnelle des réseaux de neurones corticaux

La plupart des fonctions corticales et des pathologies du système nerveux sont associées à l’activité coordonnée de neurones organisés en réseau. Ces activités de réseau sont fortement modulées par l’action d’une minorité de cellules (10-15%), les interneurones GABAergiques, responsables de l’inhibition dans le cerveau adulte. Ces neurones constituent une population cellulaire très hétérogène du point de vue neurochimique et morpho-fonctionnel. Un dysfonctionnement, même restreint à une famille spécifique d’interneurones, est souvent à l’origine d’épilepsies. De plus, la plupart des gènes exprimés dans les précurseurs d’interneurones GABAergiques corticaux ont été reliés indépendamment à des pathologies du système nerveux chez l’homme indiquant qu’un défaut de maturation des microcircuits GABAergiques peut être à l’origine de nombreuses maladies neurologiques allant de l’épilepsie à l’autisme ou la schizophrénie. L’activité de recherche de notre laboratoire est ainsi centrée sur la maturation des microcircuits GABAergiques au cours du développement cérébral et sur leur organisation fonctionnelle dans le cortex adulte en conditions physio-pathologiques. Nous nous intéressons spécifiquement à la structure fonctionnelle de ces microcircuits et analysons les interactions entre les microcircuits GABAergiques et le réseau dans son ensemble en conditions contrôle et pathologiques. Pour avoir accès à ce niveau d’analyse nous avons constitué une équipe rassemblant différentes compétences: l’imagerie biphotonique multifaisceaux pour suivre la dynamique des activités de réseau, l’analyse mathématique, l’électrophysiologie, la manipulation génétique et la neuroanatomie. Le développement de nouvelles techniques et méthodologies expérimentales donne la possibilité d’aller toujours plus loin dans la « dissection » des circuits neuronaux. Parallèlement, des modèles mathématiques toujours plus élaborés sont proposés avec l’objectif de mieux décrire et de comprendre la dynamique de systèmes complexes. L’originalité de notre stratégie de recherche est de faire converger l’analyse théorique et expérimentale des réseaux de neurones corticaux sur site.

Grâce à cette stratégie, nous avons récemment fait plusieurs découvertes majeures. Nous avons montré en particulier que le réseau hippocampique en développement était organisé selon une topologie particulière obéissant à une loi « sans échelle » impliquant l’existence de neurones « hub», c’est-à-dire des nœuds à forte connectivité relayant et synchronisant l’activité de nombreux neurones (Bonifazi et al. 2008). Nous avons caractérisé les propriétés morpho-fonctionnelles de ces cellules. Il s’agit d’interneurones GABAergiques présentant une arborisation axonale dense et divergente et dont l’activation perturbe de façon significative la dynamique spontanée de plusieurs centaines de neurones à la fois. Ces interneurones seraient des piliers de la construction du réseau hippocampique. Nous avons montré qu’il s’agissait de cellules pionnières générées précocement aux stades embryonnaires (Picardo et al. 2011). Nous proposons que ces neurones « hubs » coordonnent d’autres patrons d’activité, notamment au stade adulte.

Notre approche est à la frontière des avancées technologiques dans le domaine des neurosciences en matière d’imagerie cellulaire comme d’analyse mathématique des données. Elle souffrait jusqu’à présent de limiter notre description des réseaux à des préparations réduites sans valider nos observations sur l’animal entier. C’est dans le but de développer cet axe de recherches dans une infrastructure unique que nous avons sollicité le soutien financier de la fondation.

Grâce au soutien de la fondation, nous avons créé un laboratoire d’étude multidisciplinaire des réseaux corticaux. Il est dédié aux enregistrements in vivo (imagerie biphotonique et VSD et électrophysiologie) et comprend une annexe de l’animalerie munie de cages ventilées permettant d’accueillir des souris transgéniques opérées pour une exploration chronique. Il s’agit d’une plateforme prototype organisée selon un modèle original. La force de ce laboratoire est de faire converger un trio de compétences sur un même lieu: l’imagerie, l’électrophysiologie et l’analyse mathématique. En effet, plutôt que de créer un espace permettant le partage d’un système d’exploration unique, nous avons créé une plateforme multi-compétences centrée sur une thématique unique mais vaste qui est de comprendre le rôle de différents neurones et microcircuits dans la genèse d’activités de réseau.

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